La peste et le choléra

En ces temps de pandémie, deux élections présidentielles ont récemment opéré une brèche dans le ressassement médiatique de la vaste planet-story sur “la” Covid-19, manifestant les symptômes d’un autre virus, bien plus dangereux et en partie greffé sur le premier, celui de la pseudo-démocratie néo-totalitaire. Il y a d’abord eu celle qui a eu lieu en août dernier dans ce qui a été qualifié de “dernière dictature d’Europe”, où depuis 1991 l’on s’est efforcé de préserver, plus franchement que dans les autres ex-“républiques socialistes soviétiques”, les structures de l’Etat totalitaire, la Biélorussie, puis celle dont le déroulement a commencé le 3 novembre dernier dans ce qui est généralement présenté comme le parangon de la démocratie dans le monde, les Etats-Unis d’Amérique. Aussi diamétralement opposés que paraissent ces deux Etats, le processus électoral qui a conduit dans le premier à la réélection d’Alexandre Loukachenko et dans le second à l’élection de Joe Biden, a été contesté par toute une partie des populations respectives, dénonçant des fraudes massives (1). Avec cependant des effets radicalement différents dans l’appréciation de ces contestations par les gouvernements et les médias occidentaux, qui soutiennent la challengère de Loukachenko Svetlana Tikhanovska et l’opposition biélorusse, frappant de sanctions un président Loukachenko qu’ils déclarent illégitime, tandis qu’ils taxent de “déni de démocratie” toute interrogation sur la légitimité du vote Biden.

Et sans attendre le déroulement légal du processus électoral, dès le lendemain des élections du 3 novembre les médias américains intronisent Biden, alors que le décompte des voix est toujours en cours dans certains Etats, la presse européenne leur emboîtant immédiatement le pas. Pire, dès le 7 novembre le président Macron se fend d’un tweet pour le féliciter (2), prenant d’emblée ainsi parti alors que les résultats sont contestés par le président Trump. Dès le matin du 4 novembre, dans un discours en direct de la Maison Blanche (3), celui-ci s’attribue la victoire, alors “qu’un groupe de personnes très tristes tente de nous priver de nos droits” déclare-t-il, ajoutant, sous les cris et les applaudissements, “nous ne le tolérerons pas”.

En effet, alors que des contestations se manifestent de toutes parts, faisant état de différents types de fraudes, il convient d’attendre le 14 décembre, pour que la désignation des grands électeurs puisse être avalisée par les congrès de chacun des cinquante Etats qui constituent l’Union, et que cette désignation soit officiellement avalisée par le Congrès fédéral le 6 janvier, avant la passation réelle des pouvoirs le 20. La complexité du processus, qui partage l’élection présidentielle entre un vote populaire, qui choisit entre les candidats en présence, et la désignation des grands électeurs dans chacun des Etats en fonction des résultats locaux du vote populaire, permet à la presse, et notamment la presse française, de ne pas rendre compte de cette complexité et des dysfonctionnements éventuels qu’elle entraîne. Le code électoral lui-même, si tant est qu’il y en ait un aux Etats-Unis, qui permet à tout un chacun de voter sans présenter de papier d’identité, le vote par correspondance, l’utilisation d’un logiciel de vote électronique, le fameux “Dominion”, avec des règles propres à chacun des cinquante Etats, est en effet susceptible de générer des fraudes. Quand au nombre actuel d’électeurs aux Etats-Unis, dont une proportion jamais vue a participé au vote, bien malin serait qui pourrait en donner le chiffre exact à quelques millions près.

Est-ce ce que les fraudes invoquées ont réellement eu lieu ? Les contestations font notamment état de bourrages d’urnes autorisés par le vote par correspondance et la non vérification de l’identité des votants, d’attributions de votes Trump à Biden par l’utilisation d’algorithmes extérieurs, la connexion de machines de votes “Dominion” avec l’Internet ayant été constatée, ainsi que de l’exclusion d’observateurs républicains des salles de dépouillements, poursuivis à huis clos par des scrutateurs exclusivement démocrates. Lors de sa conférence de presse du 17 décembre, le président Poutine a d’ailleurs souligné que les observateurs étrangers n’étaient pas acceptés aux Etats-Unis. Ces contestations ayant donné lieu à des recours, aucune n’a trouvé à être reçue par les instances judiciaires locales. Cependant aucun de ces recours ainsi que leur traitement par les instances judiciaires locales n’ont été analysés par les médias français, qui se contentent d’interviewer le petit nombre des spécialistes des Etats-Unis, pro-démocrates quand ce n’est pas pro-“woke” (4), ce contentant à leur tour de répéter à l’envi le leitmotiv du “déni de démocratie” dont seraient atteints Trump, son équipe d’avocats et ses partisans. Observons cependant que la plainte déposée par le procureur général du Texas, soutenu par dix-sept autres Etats républicains et par le président Trump, auprès de la Cour suprême, afin de contester le résultat des élections dans quatre Etats-clés (5), le Michigan, la Géorgie, la Pennsylvanie et le Wisconsin, a été rejetée non pas sur le fond mais sur la forme : le Texas a été considéré par elle comme non qualifié juridiquement pour contester le déroulement des élections dans ces Etats.

Il convient ici de rappeler que Donald Trump a été l’objet d’un acharnement politico-médiatique visant à le disqualifier dès son investiture le 20 janvier 2016, où il promet “d’assécher le marécage de Washington”, qui n’entend pas s’en laisser compter. Le “Russiagate” pourrit la première partie de son mandat, l’empêchant de déployer la politique extérieure de rupture avec la doctrine néo-conservatrice de ses prédécesseurs, notamment dans les relations avec la Fédération de Russie, avant qu’en 2019 le procureur Muller reconnaisse que cette affaire était sans fondement. Jamais un président des Etats-Unis n’a été traité par le système américain comme l’a été Trump au cours de ces quatre années, parce qu’il entendait mener une politique différente de celle que voulait lui imposer l’Etat profond, c’est à dire mener celle pour laquelle il avait été élu. Plus récemment il a été l’objet d’une procédure d'”impeachment” à propos de l'”affaire ukrainienne”. C’était en décembre 2019, à l’initiative de la présidente de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, dont le haut sens de la démocratie a consisté à déchirer le discours du président des Etats-Unis sur l’état de l’Union devant les caméras au moment où celui le prononçait le 5 février dernier. Le motif en était un entretien téléphonique entre Trump et le nouveau président Zelenski, pour l’inciter à mener une enquête sur le schéma de corruption dans l’affaire Burisma, un holding énergétique ukrainien, dans lequel ont trempé Joe Biden et son fils Hunter.

Biden était alors vice-président d’Obama depuis 2009, et l’a notamment été pendant le coup d’Etat du Maïdan, après quoi il a entretenu des relations suivies avec Porochenko. Ce qui lui aurait permis de faire de juteuses affaires en Ukraine, par le biais de son fils, un drogué notoire. Lequel a laissé son ordinateur portable en réparation, contenant des schémas de corruption non seulement en Ukraine mais également en Chine, où il a accompagné son père en visite officielle en 2013. Et c’est également en tant que vice-président des Etats-Unis qu’en 2016 Biden a exigé la démission du procureur général Viktor Chokine (6), qui enquêtait sur l’affaire Burisma, contre le versement d’une subvention de l’Etat américain à l’Ukraine d’un milliard de dollars. Cette affaire notoire et avérée, ainsi que le contenu de l’ordinateur d’Hunter Biden, récupéré par le FBI et transmis à l’avocat de Trump Rudy Giuliani, qui en a communiqué des morceaux choisis, n’ont absolument pas été évoqués par la presse, largement acquise aux démocrates, pendant une campagne électorale qui s’est limitée à brocarder la gestion calamiteuse de la crise sanitaire par Trump, et qui a conduit au vote contesté du 3 novembre, suivi de deux mois d’imbroglio politico-judiciaire.

Qui mènent à l’affaire du 6 janvier. Ce jour-là devait être officialisé le vote des grands électeurs par le congrès réuni au Capitole, mais contesté en ce qui concerne certains Etats par des sénateurs républicains menés par Ted Cruz, sénateur du Texas et ancien candidat aux primaires républicaines, rallié à Trump, ainsi que par des représentants républicains à la Chambre. Au moment de la certification du vote des grands électeurs d’Arizona, Ted Cruz fait un discours enlevé. Considérant que 39% des Américains considèrent que les élections ont été truquées, dont 17 % des électeurs démocrates, il propose la création d’une commission de contrôle de la régularité des votes non seulement en Arizona mais dans les six Etats-clés contestés. A l’exemple d’une commission formée par le congrès en 1876, elle serait composée de cinq sénateurs, cinq représentants à la Chambre et cinq représentants de la Cour suprême, pour mener un audit d’urgence dans un délai de dix jours. Ce qui aurait permis d’aboutir à une clarification, et finir par mettre tout le monde d’accord (7). C’est à ce moment-là que la sécurité du Capitole donne le signal de l’évacuation du Sénat et de la Chambre réunie à côté : des émeutiers ont pénétré le bâtiment.

En effet, au moment où se réunit le congrès, Trump a réuni ses partisans non loin de là, au parc de l’ellipse, devant la Maison blanche, pour un meeting sous le mot d’ordre “Stop au vol de l’élection”. Il s’en prend à la presse, qu’il accuse de diffuser des “fake-news”, tant il est vrai que les médias américains restent figés dans une position de principe pro-Biden. Et il déclare ensuite : “je sais que tout le monde ici va bientôt marcher sur le Capitole, pacifiquement et de façon patriotique, pour faire entendre vos voix. Aujourd’hui nous allons voir si les républicains soutiennent fermement l’intégrité de nos élections, ou bien s’ils ne prennent pas fermement position pour notre pays”. Il s’agit en effet de faire pression sur ceux des élus républicains qui hésitent à emboîter le pas à leurs collègues engagés dans la contestation des résultats, mais par la voix et pacifiquement. Il passe ensuite la plus grande partie de son discours à détailler, calmement, sans lire de notes, les fraudes qui selon lui et son équipe d’avocats ont eu lieu dans les différents Etats. Et il finit par proposer une réforme électorale, qui serait par exemple que les électeurs présentent leur carte d’identité au moment de voter… Avant de promettre à nouveau de “nettoyer le marécage washingtonien”, tâche qu’il n’a donc pu mener à bien pendant son premier mandat, se mettant à dos un système qui a peut-être décidé de se débarrasser de lui à n’importe quel prix. Puis en conclusion il invite la foule à se battre “comme des diables”, ajoutant : “le meilleur est à venir, en dépit de tout ce qui est arrivé. Nous allons descendre l’avenue de Pennsylvanie, et nous allons au Capitole, et nous allons essayer de donner – les démocrates c’est sans espoir, même pas un seul vote – mais nous allons essayer de donner à nos républicains, ceux qui sont faibles, parce que les forts n’ont besoin d’aucune aide, nous allons essayer de leur donner une sorte de fierté et l’audace dont ils ont besoin pour reprendre notre pays, alors allons-y , descendons l’avenue de Pennsylvanie, je vous remercie tous, que Dieu vous garde et que Dieu bénisse l’Amérique”.

Que s’est-il passé ? Les caméras de CNN, interrompant la retransmission de la séance du Sénat où Cruz venait de prendre la parole, montrent en effet une foule plutôt clairsemée et bon enfant remonter l’avenue de Pennsylvanie vers le Capitole. Puis des images tournées à l’intérieur montrent des manifestants à l’intérieur du bâtiment, avançant prudemment comme des visiteurs un peu désemparés. Puis soudain intervient l’ordre d’évacuation du congrès. Il y a certes eu un crescendo dans le discours de Trump lorsqu’il a invité une seconde fois ses auditeurs à se rendre au Capitole afin de faire, de l’extérieur, entendre leurs voix aux élus républicains, mais mesurait-il ce qui allait se produire ? Des vidéos ont par la suite circulé sur le net qui montrent un moment de rupture, lorsque les premiers rangs des manifestants, au pied des marches du Capitole, enfoncent le léger cordon de sécurité, qui semble même les laisser passer (8). Mais il y a eu d’autres points de passages, où des vidéos montrent que les choses se sont déroulées beaucoup plus violemment. Assez vite l’on apprend que des coups de feu ont été tirés et qu’une femme a été blessée, dont il s’avère ensuite qu’elle a été tuée à bout portant par un policier. Il s’agit d’Ashli Babbitt, ancien membre des forces aériennes américaines. Biden fait alors une déclaration télévisée appelant à un retour à l’ordre et exigeant que Trump prenne la parole en tant que président en exercice. Lequel s’exécute peu après dans l’une de ses dernières vidéos sur Twitter, appelant au calme et à rentrer chez soi. Des renforts finissent par arriver, dont la Garde nationale, à l’appel de Trump dira-t-il, et la maire de Washington décrète un couvre-feu à partir de dix-huit heures.

Vers vingt heures le Congrès peut alors reprendre ses travaux, et la proposition de Cruz est rejetée, y compris par des sénateurs républicains qui, avant la “prise du Capitole”, s’étaient engagés à la soutenir. Peu après Mike Pence, qui dans la journée avait publié une lettre expliquant qu’il ne s’opposerait pas au vote du Congrès, annonce la victoire de Biden, prochain président des Etats-Unis à partir du 20 janvier, Trump annonçant aussitôt dans son dernier tweet qu’il n’assistera pas à l’investiture. Dès le lendemain son compte Twitter est supprimé, situation paradoxale, où le président du plus puissant Etat du monde détient encore nombre de pouvoirs, sauf celui de s’exprimer sur un réseau social qui s’arroge ainsi, avec d’autres, un rôle exhorbitant. Dans la foulée Pelosi réclame à Pence l’application du 25ème amendement de la constitution américaine, aux termes duquel Trump serait déclaré incapable d’exercer ses fonctions, et de le remplacer d’ici le 20 janvier. Elle invoque sérieusement que Trump dispose des codes permettant de déclencher une guerre nucléaire. On apprendra cependant un peu plus tard que son ordinateur, ainsi qu’un autre appartenant aux services du Congrès, ont disparu au cours de l’incursion des manifestants dans le Capitole, ce qui l’a rendue folle de rage. Profitant de la cohue au sein du bâtiment, des forces spéciales seraient intervenues pour les dérober.

Après un moment de sidération – en témoigne la banalité des propos tenus par Hubert Védrine, à qui il arrive d’être plus pertinent, le 7 janvier au matin au micro de l’insipide Guillaume Erner – la presse française se met au diapason du système politico-médiatique américain, tirant à boulets rouges sur Trump, responsable de ce qui est presque présenté comme une tentative de coup d’Etat. Védrine ne comprend toujours pas en effet que la crise de la représentativité dans les démocraties historiques vient de ce que les représentants ont cessé d’agir comme ils s’y étaient engagés au moment où ils ont été choisis par ceux qui les ont chargés de les représenter. De la réduction de la fracture sociale au nettoyage des banlieues au karcher en passant par le viol du referendum sur la constitution européenne, la liste serait longue à établir. Et si le 6 janvier à Washington marque une date, ce serait, plus qu’une incursion dans le Capitole, “temple de la démocratie”, celle d’une possible escroquerie à grande échelle, qui pourrait inaugurer le règne sans partage d’une certaine gauche américaine, monopolisant tous les pouvoirs exécutifs, législatifs et judiciaire, ainsi que le contrôle de l’industrie communicationnelle numérique, nous préparant l’entrée dans le meilleur des mondes, prophétisé en son temps par Aldous Huxley.

Védrine a cependant raison de rappeler que sans “la” Covid, Trump aurait été réélu, et qu’il a considérablement amélioré son score, de plus de 11 millions de voix, notamment chez les “afro-américains” et les “latinos”. Il est d’ailleurs significatif que la presse souligne en général les 74 millions de voix remportées par Trump, en passant presque sous silence les 81 millions de voix remportées par Biden, qui améliore de 15 500 000 voix le score d’Hillary Clinton en 2016. Et même s’il en profite pour dire sa détestation de Trump, il reconnaît qu’il a mis l’Union européenne face à ses responsabilités par le coup d’arrêt donné à un multilatéralisme de façade. Un “partenaire”, comme l’on dit en Fédération de Russie, essentiel de la politique extérieure de Trump est cependant pratiquement passé sous silence au cours de l’entretien, comme généralement dans les commentaires de la presse, il s’agit de la Chine. Car Trump, déclenchant avec elle une véritable guerre économique, a eu le mérite de dire tout haut ce que les Occidentaux n’osaient pas même penser tout bas. La Chine en effet, depuis le tournant imposé par le président-secrétaire général du parti communiste Xi Jinping en mars 2018, est un Etat totalitaire, qui mène une politique d’influence dans les Etats occidentaux, à commencer par les Etats-Unis, où elle aurait corrompu nombre de responsables, à commencer par Biden lui-même.

Et il est à craindre qu’avec le retour aux affaires des démocrates, l’Etat profond néo-conservateur retrouvant ses prérogatives, la politique d’ingérence américaine, dont le but consiste à semer le chaos partout dans le monde, ne reprenne. Alors que les quatre années de présidence Trump ont été quatre années de paix, notamment en Syrie, où la guerre a pratiquement cessé, tandis qu’au Moyen-Orient les relations d’Israël avec un certain nombre de ses voisins arabes se sont normalisées. En Europe, le conflit ukrainien qui s’était figé sur la ligne de front dans le Donbass, risque de reprendre de plus belle. Volodymir Zelenski, qui a déçu bien des attentes, pris en otage par les groupes extrémistes qu’il n’a pas osé affronter, n’a pas réalisé ce pour quoi il a été élu concernant la lutte contre la corruption et la réalisation des accords de Minsk. Et il s’est réjoui de l’élection de Biden. Dans une interview au New York Times, il a en effet souligné les “‘liens rapprochés’ du président américain élu avec Kiev et sa compréhension des particularités de la mentalité ukrainienne. ‘Cela aidera véritablement à renforcer les relations, au règlement du conflit du Donbass et à mettre fin à l’occupation de notre territoire'”. Et il a également “prié l’aide des Etats-Unis dans la question du ‘retour’ de la Crimée : ‘nous créons actuellement une “plateforme de Crimée” et, bien sûr, nous voudrions y voir les pays qui en seront les garants et les acteurs clés, et les Etats-Unis pourraient être leader dans cette direction'” (9).

L’on voit donc pour quelle direction de la politique extérieure américaine Biden a été élu. Quant à sa “compréhension de la mentalité ukrainienne”, la publication de nombreux entretiens téléphoniques entre lui et l’ex-président Porochenko pourrait en apprendre beaucoup sur le degré de corruption de ce nouveau président américain. En attendant Trump a été privé de tous ses comptes sur les réseaux sociaux Twitter, Facebook, Instagram etc. Qui, en position de monopole, gère d’innombrables données personnelles, en tirant des profits considérables. Ce monopole, en principe interdit par la réglementation de la concurrence en économie de marché, leur permet de définir l’orientation idéologique des contenus, décidant ceux qui sont acceptables ou pas. Après Trump, tous ses avocats et ses soutiens ont à leur tour été exclus, quand la plateforme alternative “Parler” a à son tour été interdite par les hébergeurs Google et Amazon. Une dictature numérique est en train de se mettre en place, véritable coup d’Etat accompagnant l’élection de Biden, comparable à celle qui règne en Chine communiste.

Alexeï Navalny, qui sait de quoi il parle, ne s’y est pas trompé, qui a déclaré sur Twitter le 9 janvier : “je pense que l’éviction de Donald Trump de Twitter est un acte de censure inacceptable. Ne me dites pas qu’il a été exclu pour avoir violé les règles de Twitter. J’ai reçu des menaces de mort quotidiennes pendant des années, et Twitter n’en a exclu aucune. Parmi les gens qui ont des comptes sur Twitter, il y a des meurtriers de sang froid (Poutine ou Maduro), des menteurs et des voleurs (Medvedev). Bien sûr, Twitter est une compagnie privée, mais nous avons vu nombre d’exemples de telles compagnies devenir les meilleurs amis de l’Etat et des facilitateurs quand il s’agit de censure. Ce précédent va être exploité par les ennemis de la liberté de parole partout dans le monde, en Russie également. A chaque fois qu’ils voudront réduire quelqu’un au silence ils diront : ‘c’est juste une pratique ordinaire, même Trump a été bloqué sur Twitter'” (10). Le danger totalitaire aux Etats-Unis est ainsi clairement défini comme une collusion entre l’Etat, dont les démocrates possèdent tous les leviers, et les plateformes numériques, qui disposent d’un monopole technique et idéologique exclusif sur la communication sociale.

Cette alerte, lancée par quelqu’un qui, menacé dans son pays, se trouve actuellement dans la zone d’influence de Twitter – bien que Merkel ait déclaré que l’exclusion de Trump du réseau était “problématique”, quand Macron, lui, premier soutien de Biden, n’a pas pris position – n’en est que plus courageuse. Elle nous invite en tout cas à réfléchir au monde dans lequel l’Amérique nous invite à entrer : un monde d’où seraient éliminés tous les opposants et toute parole dissidente. Peut-être pas physiquement, comme cela semble avoir été le cas pour Navalny, mais, du moins dans un premier temps, numériquement, ou par la “cancel culture”, telle qu’on la pratique sur les campus américains et depuis peu dans les universités françaises, où des conférenciers ont été empêchés de parler par les tenants de la défense des “minorités”. Un monde où nous nous retrouverions entre la peste du post-totalitarisme ne parvenant pas à réellement se démocratiser, et le choléra de la post-démocratie en voie vers un nouveau totalitarisme. Un monde dont Biden deviendrait le guide suprême, qui pour première mesure symbolique de son mandat, diffusée par Twitter évidemment, concernant la relance de l’économie, a déclaré le 10 janvier : “notre priorité ira aux petites entreprises possédées par les noirs, les latinos et les amérindiens, les entreprises possédées par les femmes, et pour finir un accès égal au ressources nécessaires à la réouverture et à la reconstruction”. Ajoutant à sa corruption, le racisme.

Frédéric Saillot, le 12 janvier 2021.

(1) Voir mon article : http://www.eurasiexpress.fr/bielorussie-belarus-le-difficile-pas-de-deux-de-vladimir-poutine/
(2) https://twitter.com/EmmanuelMacron/status/1325135797918576641?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E1325135797918576641%7Ctwgr%5E%7Ctwcon%5Es1_&ref_url=https%3A%2F%2Fwww.bfmtv.com%2Fpolitique%2Felysee%2Femmanuel-macron-felicite-joe-biden-et-appelle-a-agir-ensemble_AD-202011070171.html
(3) https://www.youtube.com/watch?v=nGv0elzaiy4
(4) “Woke est un terme apparu durant les années 2010 aux États-Unis, pour décrire un état d’esprit militant et combatif pour la protection des minorités et contre le racisme. Il dérive du verbe wake (réveiller), pour décrire un état d’éveil face à l’injustice”. (Wikipedia).
(5) “Dans le contexte de l’élection présidentielle aux États-Unis, un swing state, également appelé État-charnière, État pivot ou État clé, est un État des États-Unis au vote indécis et qui peut donc changer de camp, d’un scrutin à l’autre, entre les deux partis dominants et faire basculer le résultat du vote final”. (Wikipedia). Les Etats-clés peuvent également posséder un plus grand nombre de grands électeurs en fonction de leur plus grande population.
(6) Sa photo se trouve à droite de celle de Biden sur le carrousel du site d’Eurasie Express.
(7) https://www.rev.com/blog/transcripts/ted-cruz-senate-speech-on-election-certification-transcript-january-6
(8) https://www.nouvelobs.com/elections-americaines-2020/20210107.OBS38521/les-videos-du-capitole-de-washington-au-moment-ou-la-police-est-debordee-par-les-pro-trump.html
(9) https://ria.ru/20201220/donbass-1590080485.html
(10) https://mobile.twitter.com/navalny/status/1347969772177264644?ref_url=https%3a%2f%2fwww.oann.com%2fbig-tech-under-more-fire-for-removing-president-trumps-accounts%2f