Le 11 novembre 1944, un détachement de l’Armée rouge défile dans les rues de Beauvais libéré

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C’est sans doute le seul exemple d’un défilé de soldats de l’Armée rouge en France. Ils sont quelques dizaines à défiler en rangs par trois derrière le drapeau rouge frappé de la faucille et du marteau, emblème de l’URSS, passant ici devant le porche de la cathédrale, à l’occasion de la fête de l’armistice mettant fin à la 1ère guerre mondiale.
Ce 11 novembre 1944, Beauvais a été libéré depuis de nombreuses semaines, mais les combats font encore rage sur le front de l’Est des armées occidentales et en Europe centrale, sur le front de l’Ouest de l’armée soviétique, avant la capitulation nazie à Berlin, le 8 mai 1945 pour les Occidentaux et le 9 mai pour les Soviétiques, en raison du décalage horaire, l’acte de capitulation ayant été signé à 11h01 heure heure locale, 1h01 heure de Moscou.
Ce défilé a été réalisé grâce à l’initiative de Louis Dalmas, l’ancien directeur de B.I. et de Balkans-Infos, qui trouvait anormal qu’un détachement de la glorieuse Armée rouge ne participât pas à un défilé qui, cette année-là, prenait un sens très actuel.
Dirigeant le maquis trotskiste de Saint-Germain-la-Poterie dans l’Oise, il était en contact avec la direction locale des FTP (1) qui lui avait envoyé ce contingent de prisonniers soviétiques, récemment libérés d’un camp allemand, dirigés par le colonel Mechkov. C’est avec amusement qu’il lui arrivait de nous raconter la soirée mémorable qu’ils avaient passée ensemble pour fêter l’anniversaire de la révolution d’octobre, le mois précédent. Ou la décision soudaine d’un des officiers du contingent qui, dès son arrivée à Saint-Germain, avait voulu immédiatement rejoindre à pied son régiment à Stalingrad, ce dont Dalmas avait eu bien de la peine à le dissuader : il lui aurait fallu pour cela, traverser l’Allemagne et les deux lignes de front.
Dalmas avait dû négocier l’autorisation de ce défilé avec les autorités civiles et militaires locales, et son épouse a confectionné à la hâte des uniformes, vraisemblablement avec des capotes de l’armée française et des bérets sur lesquels avait été posée l’étoile soviétique.
Mais ce défilé d’un détachement de soldats de l’Armée rouge dans les rues de Beauvais en novembre 1944 prend à nouveau aujourd’hui un sens très particulier, à l’heure où les révisions et les instrumentalisations de l’histoire font rage et où le président Hollande a cru pouvoir juger bon de ne pas assister au défilé du 70ème anniversaire de la victoire à Moscou ce 9 mai 2015.
Cette décision honteuse, d’une lâcheté sans nom, est une insulte à la mémoire de tous ceux qui ont combattu héroïquement et donné leur sang dans la lutte contre le nazisme, à commencer par les combattants et les peuples de l’Union soviétique, qui ont payé le plus lourd tribut pour obtenir la victoire finale.
A l’occasion des commémorations des 8 et 9 mai, je leur rends ici hommage, ainsi qu’aux combattants français des réseaux de résistance, ceux des détachements de la France libre et ceux de la 1ère armée française, qui tous ont apporté leur contribution à la victoire. Sans oublier bien sûr, les combattants des autres nations alliées de l’époque.

Frédéric Saillot, le 7 mai 2015.

(1) FTP ou FTPF : Francs-tireurs et partisans français, l’une des organisations de la résistance en France, dirigée par le parti communiste.